Le rapport Jospin rendu public vendredi contient 35 mesures censées moraliser la vie publique et moderniser la vie politique. Ce n'est pas le premier rapport sur le sujet. Ce ne sera pas le dernier non plus. La plupart des suggestions étaient attendues. Cela n'impacte cependant en rien son intérêt. Au-delà des critiques habituelles adressées à de tels travaux qui fédèrent les oppositions plutôt que les approbations, plusieurs propositions méritent attention.
Des gouvernants "normaux"
A commencer par le statut juridictionnel du Chef de l'Etat. Ce dernier, pour les actes détachables de sa fonction, sera un justiciable presque ordinaire. La fin de l'inviolabilité du Président pour des incriminations pénales ou des actions civiles sans rapport avec sa fonction est toutefois agrémentée d'un filtre pour empêcher les actions dilatoires et manifestement abusives. Autres heureuses propositions, la suppression de l'appartenance de droit des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel ou encore la batterie de mesures destinées à prévenir les conflits d'intérêt dans la prise de décision publique.
La fin d'une tradition archaïque : le cumul des mandats et fonctions
"La" suggestion centrale reste la clarification du statut des responsables des affaires de l'Etat. A commencer évidemment par l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction exécutive locale ou intercommunale. L'audace n'a pas été jusqu'à proposer le mandat parlementaire unique. La sagesse sur un sujet qui libère les conservatismes de toute part lorsqu'il s'agit de passer des paroles aux actes aboutit à un compromis acceptable. On peut regretter l'absence de dispositions limitant dans le temps le mandat parlementaire ou rééquilibrant la sociologie des élus en obligeant par exemple certains fonctionnaires (appartenant à la haute Fonction publique) à démissionner une fois élus. Quant à l'impossible exercice d'un mandat local avec une fonction ministérielle, c'est du bon sens au-delà du respect d'un principe aussi élémentaire qu'utile.
Représentativité contre efficacité ? La proportionnalisation des scrutins parlementaires.
L'autre mesure phare de ce rapport est l'élection à la proportionnelle de 58 députés sur les 577 qu'en compte actuellement l'Assemblée nationale. En elle-même, la meilleure représentativité des partis politiques répond à une attente réelle des citoyens et certainement à une nécessité démocratique.
Gageons que les députés et sénateurs, écartés de cette Commission, sauront mettre à profit ses conclusions dans ce qu'elles ont de plus prometteuses sans ouvrir la voie à l'aléa institutionnel par souci de satisfaire un idéal de représentativité fidèle des forces politiques.
Dans le refus de ces propositions nous avons eu droit à toutes les horreurs traditionnelles :
- nécessité pour l’élu national d’avoir un ancrage local,
- professionnalisation des élus,
- dégradation de la qualité des débats par l’absence d’élus chevronnés (sic)
Est-ce vraiment dans les réunions de Conseil général ou régional que les élus rencontrent les citoyens ou dans leurs permanences ? Restons sérieux !
Entre les barons de gauche (Colomb, Rebsamen …) et une droite qui a déclaré «la guerre civile» au point d’inventer chaque jour une nouvelle insulte à l’endroit de ceux qu’ils considèrent comme les usurpateurs du pouvoir, Hollande va devoir faire preuve de pédagogie et de ténacité pour imposer cet engagement de campagne. Mais il sait aussi que son meilleur soutien c’est le Peuple, de droite et de gauche, qui exige que le ménage institutionnel soit enfin fait.
Ce rapport aurait pu aller plus loin encore en se penchant sur les coûts de notre gouvernance. Notre voisin allemand étant devenu un modèle, une comparaison rapide des deus pouvoirs centraux ne résiste pas à l’analyse. Qu’on en juge :
Alors chiche on crée une commission ?
| France | Allemagne |
Gouvernement | 1 Président de la République + 1 Premier Ministre + 25 Ministres + 9 Secrétaires d'état | 1 Chancelier(e) + 8 ministres
TOTAL : 9 |
Coût d’un ministère | 17 millions d'Euros par an |
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le soir après le" boulot" | A Paris, le 1er Ministre se détend dans son «logis de fonction» (310m²) à Matignon tandis que ses collègues regagnent en limousines les hôtels particuliers que la République met généreusement à leur disposition | Angela MERCKEL rentre dans son appartement, dont elle paie le loyer, les factures d'eau et d'électricité. Comme chacun de ses 8 ministres |
Personnel | 906 personnes travaillent à la Présidence de la République | 300 personnes en Allemagne |
Parc auto | Élysée : 121 véhicules | Chancellerie : 37 véhicules |
Déplacements | 1 « Airbus A330-200 » 2 « Falcon 7X 2 « Falcon 900 » 2 « Falcon 50 3 Hélicoptères « Super Puma » etc. ... | Systématiquement en train ou sur des lignes aériennes régulières |
Salaire | Président de la République 21 026 € | Angela MERKEL 15 830 €
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Budget | l’Élysée culmine à 113 000 000€. | Chancellerie 36 400 000 € |