Je sors de la réunion du Conseil municipal qui avait notamment pour objet de statuer sur le schéma départemental pour l’accueil des gens du voyage. Cinq aires dites de «grand passage» devraient être créées dans le département dont une sur notre territoire. Dans ce cadre, l’Etat proposerait à notre commune de mettre à sa disposition un terrain dont il est propriétaire (délaissé d’autoroute) pour aménager une des cinq aires prévues.
L’Etat prendrait en charge 70% de la dépense d’investissement, le solde, ainsi que les dépenses annuelles de fonctionnement seraient répartis entre les Communautés de communes concernées, c'est-à-dire payées avec nos impôts locaux.
Le maire a justement fait remarquer que la définition de l’aire de grand passage n’était pas très claire, le terrain étant susceptible d’accueillir, selon ses rédacteurs, entre 50 et 200 caravanes … Il n’a pas manqué non plus de souligner les incohérences dans le choix du site indiquant, sans les citer, que d’autres délaissés d’autoroute proches, également propriétés de l’Etat, seraient mieux adaptés.
Hélas, le maire n’a proposé à son Conseil aucune stratégie de défense si ce n’est celle du dialogue, de la palabre comme on dit en Afrique.
A l’unanimité, sauf deux absents non excusés, le Conseil a décidé de voter contre le projet.
Les choses sont parfaitement claires : le Conseil municipal, manifestement sensibilisé par la population est clairement hostile au projet. J’en prends bonne note. Il doit donc désormais le faire échouer pour tenir ses engagements et ne pas réduire son action à une simple opposition de principe.
Une Conseillère municipale lucide a formulé quelques remarques qui méritent réflexion. Elle a notamment indiqué qu’elle pensait pouvoir affirmer que le projet, reporté depuis 2003, allait être réalisé «rapidement». Elle a clairement souligné qu’une telle verrue à l’entrée de notre village ne manquerait pas d’avoir un impact négatif sur le prix de l’immobilier. Elle a surtout fait part de sa crainte d’un «passage en force» de l’Etat.
Consciente du danger, elle a judicieusement évoqué l’incontournable exigence d’obtenir, dans ce combat difficile, le renfort de la population unanimement opposée au projet. Sur ce point elle n’a pas été démentie par ses collègues et notamment par le Maire qui s’est contenté d’opiner du chef.
Je partage totalement son analyse, il convient en effet d’envoyer un signal fort au représentant de l’Etat lui signifiant clairement que les Lafittois sont unanimement hostiles à la création de cette aire de grand passage. Mais, faire reculer l’Etat ne va pas être facile, ce n’est pas une simple délibération du Conseil qui le fera caler. Ce document sera simplement archivé au rang des minutes de la sous préfecture
Le plus difficile reste donc à accomplir, mobiliser la population contre le projet, c'est-à-dire de passer du stade des bonnes intentions à celui des actes en créant cette mobilisation populaire salvatrice.
L’exercice va être difficile pour une équipe municipale qui a totalement ignoré sa population dans des décisions toutes aussi préjudiciables pour son environnement, je veux ici parler de la «poubelle» EOVAL imposée aux forceps. Dans ce mauvais scénario de démocratie locale le Conseil municipal a refusé tout débat, toute discussion. Après cette mauvaise expérience remonter la pente va être particulièrement difficile...
Placé dos au mur notre Conseil municipal me semble aujourd’hui bien téméraire à l’idée de nous demander de nous mobiliser pour le sauver d’une situation particulièrement délicate. Les élus savent qu’ils paieront au prix fort l’implantation de cette aire de grand passage sur notre commune, que cette plaie ne sera pas refermée en 2014 !
Le maire n’ayant manifestement aucune stratégie de défense je lui en propose une : demander à son Conseil municipal de prendre une décision solennelle, celle de démissionner collectivement dans un délai fixé si l’Etat ne retire pas officiellement et définitivement son projet. Inutile au maire de chercher à démontrer qu’il serait mieux chez les voisins, personne n’en voulant, c’est forcément le plus faible qui l’accueillera, les choses sont aussi simples que cela. Nous avons pu le vérifier avec Eoval …
Mobiliser la population c’est prendre un engagement fort, celui de la défendre sans autre considération que le respect de la démocratie locale. L’Etat doit se voir opposer les règles applicables à un particulier, il ne suffit pas d’être propriétaire d’un terrain pour y construire ce que l’on veut. Dans le cas contraire c’est une violation du droit des citoyens à gérer leur territoire, c’est donc à nos élus de riposter en notre nom.
Tenter de palabrer, laisser jouer le temps contre nous serait une erreur. Il convient de réagir immédiatement, de créer une crise institutionnelle, de mobiliser la population par un coup d’éclat symbolique capable de la fédérer.
Si nos élus ont ce courage d’aller jusqu’à la démission je les réélirai tous, sans le moindre état d’âme, car ils auront respecté leur engagement électoral, celui de nous défendre.
Si, au contraire, ils se limitent à une simple «protestation solennelle» ils n’auront fait que tenter de «sauver les apparences», aucun électeur ne sera dupe …
Oui madame vous avez raison, il est impératif de mobiliser une population peu habituée à ce style de gouvernance. Les représentants de l’Etat détestent les conflits, ils en redoutent les retombées médiatiques. A vous, élus, de créer ce climat de conflit avec l’Etat, mais, surtout, d’instaurer un nouveau climat de confiance avec votre population qui, rappelons le, ne vous a donné que délégation pour la représenter.
Si vous, les élus, vous êtes convaincus que vos électeurs sont unanimement opposés au projet, alors, votre devoir est de ne jamais vous soumettre, sauf à y perdre votre honneur.
Vous étiez unanimes pour soutenir le projet EOVAL qui voit le jour contre la volonté de nombreux Lafittois. Cette fois nous sommes tous derrière vous, perdre le combat serait donc inexcusable.
Démissionnez, nous vous réélirons tous, aussitôt, sans le moindre état d’âme. Vous en sortirez grandis.
Au maire de construire une autre stratégie possible de refus, nous le jugerons sur les résultats, lui et son équipe.
Et n’oubliez jamais, comme le dit le proverbe ivoirien : que l’oiseau ne fait jamais palabre avec l’arbre car il finit toujours par s’y poser …